Le lait, cet élixir assassiné,
Gustave Wuidart, édité par Agora Média scrl

Par Dominique Parizel
S'il est une chose qui force l'admiration, chez Gustave Wuidart, c'est bien sa persévérance dans le combat. Nous sommes, à la fin de l'été 2003 - nos anciens lecteurs se reporteront à leur n°43 de Valériane -, dans sa ferme de Bilstain, pas très loin de Verviers, et Gustave est déjà intarissable au sujet de ce qu'il nomme l'"or blanc". Il critique vertement l'industrie, qui impose ses normes aux petits producteurs laitiers, ainsi que le lait des grandes surfaces "où la crème ne remonte jamais parce qu'il est micronisé", c'est-à-dire que les molécules de graisse sont à ce point éclatées qu'elles y restent en suspension. Le lait se digère alors trop tôt, passe la barrière de l'intestin là où il ne devrait pas, créant de graves problèmes d'allergie… Sa conclusion était déjà sans appel : "les normes n'ont jamais été aussi strictes mais la qualité n'a jamais été aussi mauvaise !"
Quinze ans plus tard, les convictions du petit producteur n'ont pas changé. Il les précise à travers neuf chapitres bien sentis qui règlent pas mal de comptes concernant un "élixir assassiné". Pourquoi la consommation de lait de bouche a-t-elle chuté de 50% en quarante ans à peine ? Pourquoi le remède universel est-il aujourd'hui montré du doigt, par tant de gens, comme la source principale de leurs problèmes de santé ? Gustave énumère les multiples raisons qui font que le lait a été déformé par l'industrie, modifié structurellement. Dénaturé, dit-il ! Avec l'approbation tacite, explique notre fermier septuagénaire, d'un système économique qui crée la maladie tout autant qu'il la soigne…
Détaillant longuement pourquoi le producteur est un "esclave moderne", notre homme revient ensuite au lait dont il expose les multiples produits dérivés, passant en revue les multiples intoxications, imitations et ersatz dont se rend coupable l'industrie. Dame ! Sur les trois mille molécules différentes que recèle l'or blanc, elle a de quoi s'amuser en matière de produits décomposés et recomposés à l'envi, dans le seul but de proposer du produit laitier pas cher. Mais avec quel bénéfice pour la santé du consommateur ? Qui s'en préoccupe ? Gustave, bien sûr, mais pour en arriver rapidement à la conclusion qu'au niveau mondial, le seul élevage qui soit resté rentable, "c'est celui des pigeons que nous sommes" !
Il parle des consommateurs, bien sûr… Après quoi, toujours en colère, il relève l'erreur fatale des médecins et des nutritionnistes qui n'arrivent plus à faire la différence entre le produit originel et ce qu'il en est resté, un long chapitre faisant alors le point sur les cellules somatiques et leur utilité pour le consommateur. Puis le combat continue, inlassablement, avec la dénonciation des nombreux auteurs qui accablent le lait de tous les maux, ainsi que des nombreux produits de substitution incapables de remplacer valablement l'"or blanc". Le dernier chapitre ramène Gustave vers une pensée plus positive : c'est du lait, du vrai, dont il est question, le véritable lait cru qui vient directement de la ferme et dont le consommateur ne peut que se délecter, celui dont les producteurs prétendent qu'il règle souvent les problèmes d'allergie. Ils affirment clairement l'avoir souvent constaté et nous disent ici pourquoi…
Vous l'avez compris, ce livre est l'énoncé des convictions profondes d'un passionné, d'un authentique militant de la cause du lait véritable. Les convictions de Gustave Wuidart sont la vérité même d'un demi-siècle passé à la ferme. Alors, bien sûr, les techniciens auront beau jeu de "poildecuter" sur l'une ou l'autre éventuelle imprécision, et les habituels mercenaires de l'agro-industrie pourfendront le bouseux autodidacte. L'essentiel n'est pas là ! De ce témoignage rare, on retiendra à quel point la production alimentaire s'est trop rapidement transformée or on sait, par ailleurs, combien l'agrobusiness n'est jamais affaire de philanthropie. De quoi accréditer le ressenti d'un simple fermier, de quoi se convaincre qu'il n'a décidément pas pu se tromper toute sa vie…
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Le lait, cet élixir assassiné,Gustave Wuidart, 22 euros - 252 pages |